Quand elle était petite, elle voulait être infirmière, comme sa maman.
Puis vétérinaire, parce que les animaux, c'est cool.
Puis un travail avec des enfants et des chevaux, mais pas monitrice d'équitation, trop simple. Non, un truc plus subtil, mais pas bien identifié.
Ses parents auraient ensuite voulu qu'elle dirige ses études vers le commerce international.
Elle, elle se voyait plutôt pédo-psychiatre (avec une forte idée de s'intéresser plus particulièrement aux Near Death Experiences).
Après son bac, elle s'est rendue compte que c'était plutôt la culture qui la bottait vraiment. Le spectacle, cette magie, les étoiles dans les yeux des gens. C'était ça qu'elle voulait faire, en vrai. Pas passer dix ans à étudier des maladies et à voir des gens mourir. Non, elle voulait offrir un peu de réconfort aux gens, plutôt. Un peu de rêve, un peu de répit.
Là non plus, ça ne s'est pas tout à fait passé comme prévu. Parce que ce n'est jamais elle qu'elle a voulu montrer ou mettre en scène. Elle sur le devant de la scène, quelle idée saugrenue! Alors, nouveau carrefour dans l'orientation (par dépit plus que par réel choix, finalement). Changement de spécialisation.
Mais jamais du but profond.
Toujours cette envie de faire partie de la machine à rêver, à créer de la magie.
Et les gens, qui ne comprennent pas toujours bien, qui regardent avec des yeux tout ronds, ou des yeux méprisants. Pour une moitié de la population, c'est strass et paillettes. Pour l'autre, c'est artiste incapable et fainéant.
La difficulté du milieu, aussi. Son hypocrisie. Mon dieu oui, son hypocrisie!
Ce milieu où tout le monde te tape la bise comme si tu étais un ami d'enfance pour te baver dessus par derrière.
Ce milieu où, c'est vrai, certains préfèrent parfois picoler à foison et s'empiffrer de mets délicats hors de prix que de faire leur réel métier, qui n'est pas, non, d'être simplement bourrés aux as et de se montrer à la une des journaux people.
Ce milieu où si tu ne connais personne de bien placé, finalement, tu n'es personne.
Ce milieu où avant de te faire une place, tu habites dans une chambre de bonne de 9m2 à dix pour économiser en partageant le loyer exorbitant.
Mais le sourire des gens à la sortie de la salle, surtout. Ou leurs yeux rougis, c'est selon. Leurs yeux qui brillent de toute façon.
Ce sentiment d'avoir réussi, pendant quelques minutes ou quelques heures, à les faire sortir de leur vie, de leur corps, à les emmener ailleurs, dans une autre vie, parfois dans un autre monde.
Ce sentiment d'avoir apporté quelque chose au monde. Même si ce n'est pas un progrès scientifique, même si ça ne sauvera probablement jamais de vies. Même si, foncièrement, ça ne changera jamais rien à la marche du monde, ni à ce qu'il est.
Ce sentiment d'avoir accompli quelque chose qui a quand même un peu de valeur.
Comme une façon de faire savoir que derrière cette porte fermée se trouve une fenêtre ouverte.