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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 18:30

J'aime beaucoup le théâtre de Samuel Beckett. C'est sombre et drôle à la fois. C'est le non sens de l'existence et des relations humaines. C'est la beauté du langage, et sa force. C'est l'absurde qui émeut et qui touche. Qui fait rire, aussi.

"Rien n'est plus drôle que le malheur"

 

La semaine dernière, je suis allée voir En attendant Godot au Théâtre de l'Athénée.
Qui programme aussi Fin de partie.
Qui passe en même temps au Théâtre de l'Odéon. 

 

godot-Levy-3.jpg

"Est-ce que j'ai dormi pendant que les autres souffraient?"

 

Les deux pièces à l'Athénée sont toutes deux mises en scène par Bernard Levy.

J'avais vu sa Fin de partie en 2006. Alors j'étais assez curieuse de voir son Godot.
Sans être déçue, je n'ai pas été surprise, parce qu'on y retrouve globalement la même scénographie. Une mise en scène assez bonne, fidèle au texte (bien compliqué de s'éloigner du texte de Beckett, en même temps. Tellement de didascalies qu'il laisse assez peu de place à l'interprétation personnelle...)
On y voit le même enjeu de créer un espace différent de ce qu'on imagine habituellement, le même enjeu de respecter et de s'éloigner à la fois de toutes ces didascalies.
J'avais à l'époque réalisé mon dossier d'analyse de spectacle (pour la fac), sur cette mise en scène de Fin de partie. Je pourrais donc vous en parler assez longuement. Mais je ne le ferai pas!
D'autant que c'est une pièce que j'adore!! Je trouve dingue que cet Irlandais en soit venu à tellement maîtriser notre langue qu'il a pu écrire un texte de cette qualité (et tout en subtilité et jeux de mots!)


Ce En attendant Godot s'inscrit clairement dans la même lignée. Et c'est tout à fait voulu. D'autant plus qu'il la crée dans le même théâtre. Une vraie série Beckett/Levy à l'Athénée, on pourrait dire.
Sa note d'intention sur Fin de Partie était très intéressante et expliquait bien les enjeux qu'il avait voulu dégager et sur lesquels il avait voulu travailler dans sa mise en scène. Pour Godot, je n'ai pas vu de note d'intention, mais ayant vu la première, j'ai vite compris que c'était à peu près la même chose: dès l'apparition de la couverture du livre et de la première page de didascalies sur un écran transparent à l'avant-scène. Le travail se fait sur la marge tellement mince entre les indications scéniques de Beckett et la possiblité à l'esprit créatif d'un metteur en scène de s'exprimer.

On retrouve le même type de délimitation de l'espace par la lumière, le même espace enfermant, d'un gris plus ou moins clair, sans perspective d'ailleurs. Cet ailleurs dont on parle, mais où on ne va jamais.

On y retrouve aussi le même duo de comédiens!

Et le même plaisir à entendre du Beckett et à voir évoluer ses personnages.
Ses personnages tellement absurdes et à la fois tellement réels. Tellement désabusés et à la fois encore pleins d'espoir. De libération de l'attente.

Car c'est bien ce qu'on veut dans les deux pièces, que cette attente cesse: dans l'une on espère l'arrivée de Godot qui nous offrirait une vie (une mort?) meilleure, dans l'autre, on attend simplement la fin, de tout.

 

godot-Levy.jpg

 

La mise en scène de Fin de partie d'Alain Françon à l'Odéon m'a un peu déçue. J'en ai entendu beaucoup de bien. Probablement parce que quand on est programmé à l'Odéon, les gens ont le sentiment qu'on est forcément génial. (Oui, déception de la programmation de ces théâtres nationaux que je découvre. Après un très moyen Roméo & Juliette - pièce que j'aime, comme vous vous en doutez sans doute - à Chaillot, ce Fin de partie sans charme particulier)


La note d'intention du metteur en scène s'étale sur 4 pages... Et il n'en ressort pas grand chose. J'ai plutôt eu l'impression de lire une dissertation. Un sujet type "Fin de partie, mais fin de quelle partie?", au bac de français sur le théâtre de l'absurde. Ou une explication de texte, à grand renfort de citations diverses, de Beckett lui-même, de metteurs en scène, de théoriciens... Oui, mais rien sur sa volonté de mise en scène (sinon qu'il s'est intéressé aux dernières notes du grand Sam!) Finalement, on ne sait pas réellement ce qu'il en a ressorti et ce qu'il veut qu'on en perçoive.
(Oui, bah peut-être déformation "professionnelle", mais pour moi, une note d'intention doit bien exprimer ça! Si j'ai soulé mes auteurs pendant des mois, c'est pas pour rien! ;-))

 

Et pour cause: la mise en scène est plutôt sympa, mais rien n'en ressort particulièrement.
L'espace scénique est assez basique. C'est bien ce qu'implique le texte. Mais précisément: la scène nous présente l'espace que l'on s'imagine à la lecture de la pièce. Pas d'originalité, pas de réel détachement (au texte, à l'image qu'on en a, aux didascalies)... Alors en soi, ce n'est pas dramatique, non, mais c'est un peu dommage, je trouve. De seulement donner vie à une pièce, sans chercher particulièrement à y insuffler un brin de "jamais vu" (bon, du "jamais vu" sur du Beckett, ça reste difficile, je vous l'accorde...
Restent tout de même ces lignes d'écriture crayonnées au sol et sur le mur de fond de scène. Des lignes qui posent sans doute la question du langage, de la subtilité et de la force des mots, tout ce qui reste à ces personnages enfermés dans leur bunker sans vie, dans un monde sans vie (vie qu'ils s'appliquent de toute manière à éradiquer)

Les jeux de lumières, quant à eux, sont assez subtiles et apportent des variations dans cet espace imposant et de fait écrasant. D'une certaine manière, je les trouve assez faciles (Diantre, que je suis vache, aujourd'hui!). Car oui, je trouve un peu facile d'inonder le plateau d'une lumière crue (et qui fait mal aux yeux, mais ça c'est mon problème!) quand Hamm dit vouloir toucher un rayon de soleil, ou de resserrer l'éclairage sur ce même Hamm quand il est seul et part dans ses réflexions profondes... Mais à la fois, ça fait sens, ça renforce le texte, et ça marche!

 

fin-de-partie-francon-3.jpg

"Ah! On dit coite? On ne dit pas coïte?
-Mais voyons! Si elle se tenait coïte nous serions baisés." 


Il me semble en fait que cette mise en scène ne dégage rien de bien particulier, et n'a donc rien d'original ou de génial.
Mais reste en tout cas de génial le texte! 

Tout le monde s'extasie sur le jeu des comédiens. Bien sûr, c'est une pièce difficile à jouer (notamment Hamm, qui ne quitte pas le plateau une seconde - et pour cause!), mais personnellement, j'ai trouvé que parfois ce n'était pas très juste. Et j'ai trouvé Hamm par moment bien trop mélodramatique.
Où est-ce justement une façon de montrer le besoin de se mettre en scène, tout comme son besoin de public quand il raconte son histoire (l'histoire de Clov?).
Globalement, il est vrai que les comédiens relèvent bien le défi de cette pièce difficile, forte et belle. Avec des personnages forts dans leur fragilité (aveugle paralysé, boiteux incapable de s'asseoir, vieillards cul-de-jatte). Une véritable performance de comédien, que de tenir la longueur sur cette pièce, où les corps et les esprits sont sans cesse solicités.
Mais quand même non, vous ne me ferez pas dire que le jeu était génial (et à entendre certains commentaires à la sortie, je ne suis pas la seule...)

 

Ayant lu des critiques dithyrambiques, plusieurs possibilités: soit je suis vraiment mauvais public (ou trop exigente sur ce texte), soit je suis tombée sur un mauvais jour, soit quelque chose m'échappe décidément... Soit je suis simplement en désaccord avec le reste du monde! 

 

Versus-Fin-de-partie.jpg

Fin de partie. Bernard Levy (en haut) vs Alain Françon.

 

Ne vous méprenez pas: j'ai l'air de descendre en flèche cette mise en scène d'Alain Françon. Je ne l'ai pas détestée, hein! Je l'ai juste visiblement moins aimée que le reste du monde. Ca reste une mise en scène de Beckett tout à fait respectable et réussie. A mes yeux, elle manque seulement d'une touche d'originalité qui ferait la différence...
J'aurais tendance à préférer la mise en scène de Levy. Mais pour être tout à fait honnête, je ne me base que sur mes souvenirs. Et ce n'est donc pas forcément très juste et très objectif.

 

Le mieux, pour vous faire une idée, c'est d'aller voir par vous même! (et n'hésitez pas à me dire que je n'ai rien compris!)

 

Fin de partie, Bernard Levy, Théâtre de l'Athénée: jusqu'au 16 février.

Fin de partie, Alain Françon, Théâtre de l'Odéon: jusqu'au 10 février.

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